Article publié le 26 décembre 2013

Les chants Sacrés appelés « Bahjan » parlent bien souvent de la difficulté de rencontrer Dieu dans sa manifestation d’Amour pur. Les textes racontent la souffrance du chercheur Spirituel qui invoque le Divin ou Krishna, Shiva ou d’autres divinités. « Ô Krishna combien de vies me faudra-t-il encore pour qu’enfin je t’aperçoive, ne vois tu pas les larmes et la souffrance de ton fils qui t’implore, qu’ai-je fait pour mériter un tel supplice ? Ai pitié de moi je t’en prie et abreuve mon âme de ta compassion etc… » Ces chants portés par Amma sont très puissants et éveillent la dévotion envers Dieu.

C’est ce que j’ai vécu une fois de plus au matin de Noël. Lors de ma méditation du matin au bord de la plage, bercé par le doux son des vagues et caressé par la brise matinale, je me sentais plutôt heureux, les idées apaisées, le cœur en joie, le corps bien déployé dans la posture, c’était facile et léger. Progressivement ma conscience s’est immergée dans l’océan intérieur, les vagues de surface disparurent et je me suis trouvé devant une porte qui, je le ressentais, ouvrait vers l’espace infini empli de l’Amour pur tant convoité. Hélas je suis resté devant la porte, elle ne s’est pas ouverte. Même avec le temps je me suis retrouvé bloqué. C’est à ce moment que le chagrin, les pleurs, la souffrance sont apparus causés par la frustration de ne pas pouvoir accéder à ce qui me semblait être le paradis. Tout était comme dans les chants, ce n’était pas une imagination mais bien un vécu. Ayant déjà eu l’occasion de passer cette porte, je savais bien ce que je manquais en restant du mauvais côté.

Ce chagrin avec tous ces pleurs, cette détresse, purifient l’âme et le corps par la même occasion. Les mémoires, les tendances perverses sont éliminées par le souffle ou par les larmes, et bien souvent par les deux en même temps. C’est bien le but de la démarche Spirituelle, il faut se purifier pour pénétrer dans le royaume Divin. Ca ne se fait pas la fleur aux dents et le sourire en bandoulière. L’épuration est douloureuse mais soutenue en arrière plan par la présence Divine. Sans elle ce ne serait pas possible. Il faut parfois rester bien longtemps à la porte avant qu’elle ne laisse transpirer quelques effluves de ce qui est de l’autre côté. C’est de cette difficulté que nous parlent les chants dévotionnels ils nous animent par la même occasion en éveillant la dévotion.

La frustration est une compagne quasi permanente. Le désir d’atteindre la pureté qui elle seule peut combler le désir s’accompagne de frustration. La difficulté ne réside pas dans la frustration qui, si elle est tout simplement acceptée et vécue comme elle est et pour ce qu’elle est ne génère pas de négativité. Elle devient une compagne du désir, elle l’accompagne en permanence. Ce chagrin d’Amour est donc une expression du désir et de la frustration. Il devient souffrance lorsqu’il est refusé ou plus simplement non accepté.

Si le divin ne veut pas me donner cet amour, s’il ne veut pas m’apporter la satisfaction que j’implore alors mon ego réagit. Il réagit contre la frustration qu’il refuse d’assumer qu’il ne peut pas supporter de vivre. Les réactions sont différentes en fonction de la nature égotique de chacun. Une personne va se mettre à boire pour noyer son chagrin, une autre va se mettre en colère contre tout ce qui bouge, un autre va déprimer et s’enfoncer dans la détresse, un autre va chercher une compensation sous une forme ou sous une autre.

Personnellement, je me suis senti irrité, nerveux et grandement insatisfait après cette méditation j’aurais pu m’énerver ou devenir violent si je m’étais totalement laissé prendre par cette réaction. Autrement dit, si ma conscience s’était identifiée à cette frustration, à cet ego frustré et réactif. Ces énergies, ces forces de réactivité étaient palpables autour de moi.

La bonne façon de gérer cette situation était de laisser ces énergies se manifester intérieurement et simplement les regarder, les apercevoir sans se laisser mener par elles. C’est comme être pris dans une tempête et se laisser emporter par le vent jusqu’à devenir le vent lui-même. Au contraire il faut regarder et vivre cette tempête intérieure et rester enraciné dans la présence bienveillante envers soi et envers le monde. Ce n’est pas facile du tout, c’est un sport de haute compétition qui requiert un entraînement assidu. Poser sa conscience sur les désirs de manifestation égotique réactionnels, sans les encourager, sans les refuser, sans chercher à les maîtriser ou en faire quoi que ce soit est pour moi la méthode que je trouve la plus efficace. La lumière révèle l’ombre et la présence de la conscience dissout cette ombre, la lumière dissout les ténèbres. Toutes les réactions et les compensations ne font qu’alimenter les racines de la réactivité, elles leur donnent de l’énergie, de la nourriture, de la force et leur permettent de grandir. Il faut les confier à Dieu, à l’Être. Prenons un exemple pour illustrer ce point important. Vous avez un désir d’Amour Spirituel intense et vous ne parvenez pas à vivre cet Amour pur malgré tous vos efforts. Il se peut qu’après une tentative infructueuse générant une intense frustration, une réaction de colère germe en vous. Vous retrouvez votre mari ou votre femme et souhaitez compenser cet frustration par une tentative d’amour que l’on va appeler humain. Vous attendez de votre relation avec votre conjoint une satisfaction qui fasse diminuer votre frustration. Par manque de chance, votre conjoint est très occupé à autre chose et ne répond pas du tout à vos attentes. La colère qui avait germer en vous va redoubler et vous allez probablement l’exprimer en invectivant votre partenaire car vous le rendez responsable de votre frustration. Je pense que vous voyez ou est l’erreur, la méprise. Hors mis le fait qu’un amour humain ne remplacera jamais le désir d’Amour, vous vous mettez en colère lorsque votre conjoint ne répond pas favorablement. L’attitude juste serait d’observer la sensation de colère, de la vivre intérieurement sans la manifester en la projetant sur quelqu’un d’extérieur. Il ne serait pas bon non plus de sur compenser en allant se défouler dans une salle de sport ou en faisant des trous dans un mur avec un marteau. Cette sur compensation utiliserait l’énergie de la colère et la nourrirait. En fait il faut accepter de vivre cette sensation intérieurement en la regardant avec bienveillance et au bout d’un certain temps, avec quelques larmes peut-être, elle disparaîtra et laissera la place à un état plus paisible. Vous aurez par cet effort d’attention contribué activement à réduire les racines de la colère. Il faudrait donc accepter la sensation et en refuser l’expression extérieure sur un objet de substitution.

L’exemple ci-dessus illustre le processus des compensations à la frustration générée par le manque de conscience et de jouissance de la présence de Dieu en nous. Le principe de la compensation est de chercher dehors ce que je devrais trouver dedans. Dieu est en nous, inutile de le chercher dehors ou de compenser le manque par une recherche de jouissance extérieure. Si les femmes et les hommes de notre société pouvaient comprendre cela et l’appliquer, nous vivrions en paix et par la même occasion nous rétablirions immédiatement le déséquilibre qui rend notre société malade, perverse et souffrante. Tout le marketing repose sur ce principe, il fait croire que le bonheur est attaché à l’objet que l’on veux faire désirer. Nous tombons régulièrement dans le piège en achetant le dernier téléphone portable qui ne nous apportera pas plus que le précédent. C’est par cette attitude boulimique, compulsionnelle, réactionnelle que nous enrichissons les grands capitalistes et réduisons les autres à l’esclavagisme. Nous ne faisons pas mieux dans ce cas que nos ancêtres du moyen âge. Nous ne sommes pas plus heureux que ce soient les princes ou les serfs.

Serons nous capable de puiser dans les ressources du monde seulement ce dont nous avons besoin pour vivre simplement au lieu de vouloir toujours plus et toujours différent. Les mécanismes sont bien enracinés. La tâche est rude et pénible. Seul un intense désir peut nous aider. Ce n’est pas facile de vivre dans la sensation de manque qui est aussi la sensation de désir sans les compenser. Nous devrions l’enseigner à nos enfants dès le plus jeune âge. Cela n’empêche pas d’être heureux mais pas complètement. Il reste toujours un manque. Nous pouvons essayer également de n’attendre du monde extérieur que ce qu’il peut nous donner, un confort, un plaisir mais pas le bonheur absolu. Une démarche Spirituelle véritable peut nous aider. Bien des gens utilisent la spiritualité comme une compensation. ce n’est pas facile de s’y retrouver tout seul. Un guide ayant déjà parcouru le chemin est indispensable.

  • Emmanuel Richard dit :

    Non compensation et non attachement

    Gérard, le non attachement, notamment aux émotions négatives et la non compensation ne sont-ils pas plutôt la conséquence et non la cause du développement spirituel de la personne, sinon on en revient au mental et il lui demande de ne pas…. Certains maîtres spirituels insistent sur l’attention au moment présent dans la démarche spirituelle, mais là encore cette pleine conscience n’est-elle pas la conséquence du développement spirituel de la personne et non la cause?

    Emmanuel

    • Gérard Lescalier dit :

      Merci Emmanuel pour ton commentaire qui pose une question très pertinente.

      La réponse est simple. En attendant de jouir des bénéfices d’une évolution Spirituelle efficiente, il faut faire au mieux avec ce que l’on a. Il ne faut pas attendre d’Être parfait pour aller vers la perfection 🙂 . Les Maîtres Spirituels authentiques nous donnent des conseils éclairés pour progresser dans la voie de l’Être. Il faut bien entendu se référer à de vrais Maîtres et pas à des personnes qui aujourd’hui prêchent une spiritualité sans Dieu, ou à des pseudo-guides sans Maître. Je peux dire que sans mon Maître qui est Amma je me serais certainement fourvoyer avec une grande facilité. Je remercie Dieu tous les jours de m’avoir fait la grâce de la rencontrer.

      Dans le présent tu aperçois ce que tu peux apercevoir et c’est avec cela qu’il faut que tu fasses. Tu as tout ce qu’il faut dans l’instant pour savoir où poser ton pied pour faire le prochain pas mais peut être pas pour le suivant. Restes vigilant et fais toi confiance. Ne crains pas de faire des erreurs en toute bonne foi. C’est comme cela qu’on apprend. Je me souviens dans mes cours d’équitation que le prof disait toujours  » si tu ne tombe pas tu ne progresses pas ». C’est fou ce que j’ai progressé rapidement :-)) .

      Ta conscience se libèrera progressivement et le changement sera progressif. En matière de Spiritualité le temps compte pour beaucoup. Je dis souvent que le pus important est de se sentir en route et sur le bon chemin. Atteindre le but ne doit pas être la préoccupation principale même si c’est l’objectif.

      La notion d’effort personnel est importante. Fais ce que tu peux et le ciel t’aidera. Sans toi rien ne se fera. Il faut être un guerrier pour faire ce merveilleux chemin.

  • Guillemain dit :

    MERCI

    Bonjour Gérard,

    Merci pour ce partage de Petit Journal d’Aventures Intérieures. Des nouvelles de tes co-locataires Lovely, Brainy, Body, Lazy, Busy, Craspy et les autres… Ici nous avons également Brainy et Busy qui s’accrochent et peinent à quitter la maison, car elle est sans doute trop bonne !!

    Plein de bonnes choses à toi et un beau passage dans la nouvelle année !

    Anouil

  • Brault dit :

    Bonnes fêtes de fin d’année

    Bonjour Gérard,

    Un petit mot pour vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année. J’en profite également vous faire part que je ne manque pas une miette de toutes vos réflexions depuis votre départ en Inde. Les descriptions de vos voyages intérieurs sont très intéressantes. On a l’impression que le fait d’être proche d’Amma vous rapproche sensiblement du Bien être absolu lors de vos médiations. On sent une puissance majestueuse et invisible vous envahir au fil des jours. Pas de doute, votre instinct vous a de nouveau guidé sur le bon chemin. De tout coeur avec vous Gérard. Je reste à votre écoute. Olivier

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