Article publié le 24 décembre 2013
Aujourd’hui c’est la veille de Noël. Je vous souhaite donc un très joyeux Noël, joyeux dans votre cœur quelles que soient les circonstances. Comme disait Swamini (renonçante ayant prononcé des voeux définitifs d’engagement) dans son satsang (enseignement) d’hier soir : « quoique vous fassiez, ça n’a aucune importance, ce qui compte c’est l’amour que vous portez et que vous apportez dans le monde. Faites ce qui vous plaît avec Amour. »
Voilà maintenant 5 jours que je suis à l’Ashram. Tout à changé depuis 1995,année de ma première venue, dans les apparences seulement.
C’est un village fait de maison et de building en béton décorés à l’indienne. C’est un chantier permanent, les ouvriers construisent des bâtiments, le village s’est développé, le terrain sur lequel les maisons sont construites s’est considérablement agrandi. Quelques maisons de villageois locaux subsistent au milieu des immeubles de l’ashram. Elles sont entourées par une clôture en béton, ce qui me fait penser à un village breton qui résistait à l’envahisseur Romain. En prenant un point de vue extérieur, ce lieu sacré se présente comme une fourmilière grouillante d’activité. Les gens se croisent, se frottent, s’accompagnent, se côtoient, se rencontrent, mais rarement se heurtent. C’est amusant de remarquer cela. Il y’a beaucoup d’activité mais pas de violence, de la force parfois mais sans agressivité. Certaines personnes manifestent du stress, de la fatigue, de l’énervement mais il semble que cela ne puisse pas se répandre à l’extérieur, cela ne peut pas contaminer l’ambiance fondamentale qui règne dans ce lieu. C’est la même chose avec le bruit, il y en a partout et tout le temps, on peut très bien chanter les bahjans (chants sacrés) avec le bruit de la bétonnière qui, mal graissée, tourne avec un bruit qui pourrait être assourdissant. Eh bien les chants prennent le dessus et le bruit de la bétonnière s’en trouve considérablement amoindri, il disparaît pour laisser la place à la beauté des chants. Chaleur, bruit, activité permanente, aspect d’un chantier de travaux publics, population en mouvement permanent, c’est bien là que je trouve le repos et le silence nécessaire à ma méditation.
Ce matin, comme d’habitude, j’ai commencé ma journée en me levant à 4h30 pour aller réciter les 108 noms d’Amma et les 1000 noms de la Mère Divine suivis du chant « Sri Mahisasuramardini Stotram » qui est un hymne au Guru et à la Mère Divine. Ensuite un petit Chaï (Thé au lait épicé) et me voilà parti en direction de la plage pour méditer avec le doux son des vagues, qui comme la Mère Divine viennent user les remparts de ma forteresse égotique. Quelques chants venus des temples extérieurs à l’Ashram remplissaient relativement discrètement l’ambiance sonore du lieu. Dans cette méditation j’ai rencontré le bruit, le vrai, celui de mon intérieur. Cette méditation fut une lutte permanente pour tenter de me séparer de mes colocataires. J’en ai repéré quatre dont je me serais bien passé et un seul que j’aurais bien voulu garder tout seul. Celui là je l’ai appelé « Lovely » (ici on parle anglais et c’est plus séduisant qu’en Français). C’est la saveur de l’Être, du Divin, De la mère Divine. C’est lui qui me comble de bonheur, c’est lui que je viens chercher ici, c’est lui qui un jour j’espère aura mis à la porte les autres locataires. Hélas les autres colocataires étaient bien bruyants aujourd’hui. Celui qui prenait le plus de place c’était « Brainy », ma machine à penser. Elle avait du prendre de la cocaïne ce matin. Je crois qu’elle ne m’a pas lâché. Le suivant c’était ‘Body » il représente l’ensemble des sensations désagréables que mon corps me procure. Ce sont des tensions, des crispations, des douleurs, des torsions, bref tout ce qui me dérange et me donne envie de partir ou de prendre un couteau pour enlever ce qui me gêne. Body m’empêche de rester dans la posture adéquate pour méditer. Il me donne envie de bouger pour me débarrasser de ces tensions, pour fuir la douleur, pour me sentir libre. Le suivant, dans l’ordre décroissant de gêne procurée, a été baptisé « Crapy ». Il regroupe toutes les sensations de crasse, de saleté, de glu, de mélasse, d’épaisseur, il a une odeur d’égout, la texture de la poisse. Il plonge l’intérieur dans la nuit et l’épaisseur. Il obscurci tout, pose un voile de noirceur sur tout ce qu’il envahi. Le dernier qui n’est pas si petit que ça c’est « Busy ». Il me donne toujours l’impression que j’ai quelque chose d’autre à faire qu’à rester là en méditation. A l’écouter je me lèverais d’un bon pour aller faire autre chose. C’est fou toutes les bonnes raisons qu’il a de vouloir me faire abandonner ma méditation.
Voilà donc mes compagnons de voyage. Ils étaient bien en forme ce matin. Deux heures n’ont pas suffi à les anéantir, à les remettre au lit pour qu’ils fassent un gros dodo à cette heure matinale, avec la fraîcheur de la brise marine et le doux chants des vagues. Curieusement un autre colocataire n’était pas réveillé aujourd’hui, c’est « Lasy » : vous avez deviné, c’est le paresseux, celui qui vous prend dans ses voiles et vous endort. C’est la fatigue, le plomb, l’inertie, la pesanteur. Il est capable de vous mettre la tête dans le sable malgré toute votre bonne volonté à vouloir rester dans la verticalité. Il alourdi les paupières et pose sa chape de plomb dans la tête. Je l’ai donc échappé belle car avec lui en plus je n’aurais jamais pu poursuivre mon exercice de méditation. Je trouve que malgré tout ça je m’en suis bien sorti, Lovely m’a accompagné et soutenu en permanence. C’est lui qui me donne la force, l’énergie pour continuer. Avec ma propre volonté pour seule énergie, je ne m’en serais pas sorti. J’aurais probablement capitulé relativement rapidement.
Tout le jeu de cette méditation consistait à ne pas donner d’importance aux colocataires, juste à Lovely, et garder la posture de méditation. Je me suis donc centré autant que possible sur cette saveur de l’Être. Cependant inlassablement ma conscience était reprise par les autres. Pour m’aider, j’ai répété mon Mantra (phrase sacrée qu’Amma m’a transmise). C’est incroyable de s’apercevoir combien il est difficile de le répéter sans être distrait, sans attacher d’importance à autre chose. Soudain on s’aperçoit qu’on est plus en train de le répéter. On s’est fait prendre dans d’autres filets. Alors il faut recommencer, reprendre la récitation centrer sa conscience sur la saveur de l’Être et ça repart pour un tour.
Le bruit qui dérange est bien celui de l’intérieur.
Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Tout ce que je sens c’est que je suis à ma place ici et maintenant. Mon programme semble s’orienter vers la méditation. On verra plus tard le menu qu’Amma aura concocté pour moi… Surprise…
Encore un très joyeux Noël dans l’amour, le partage, la simplicité, la joie, la beauté.
Je vais aller voir ce qui se passe au village, quelles sont les festivités prévues pour cette fête de Noël.
A bientôt….